Responsable du projet
Christel Marquette
La pré-éclampsie (PE) est une complication spécifique de la grossesse caractérisée par une hypertension, des œdèmes et une protéinurie d'apparition récente La PE touche 3 à 5 % de toutes les grossesses. Dans la grossesse prééclamptique, la placentation est anormale, ce qui entraîne le développement d'un environnement hypoxique et libération par le placenta stressé de facteurs inflammatoires dans la circulation maternelle. Cela entraîne plusieurs maladies systémiques telles qu’une thrombocytopénie, une élévation des enzymes hépatiques, une insuffisance rénale aiguë, un œdème pulmonaire et le dysfonctionnement cérébral. Les symptômes de la PE ne se limitent pas à la grossesse, mais se poursuivent bien au-delà. En fait, le risque de maladie cardiovasculaire, d'hypertension et de diabète associé aux troubles hypertensifs, est majeur 20 ans après la PE. Récemment, plusieurs études cliniques ont fait état d'un risque trois fois plus élevé de démence vasculaire et de troubles cognitifs chez ces femmes, avec des symptômes d'anxiété, de dépression, de troubles de la mémoire et de la concentration. Il est désormais bien établi que les perturbations du système cérébrovasculaire peuvent être un prélude au développement de la démence et des maladies neurodégénératives. En fait, dans la pré-éclampsie, les modifications de ces fonctions cérébrales semblent être associées à des modifications de la substance blanche des lobes frontaux/pariétaux/temporaux et à une réduction du volume cortical.
Le projet d’étude du Dr Christel Marquette est de définir si ces lésions cérébrales sont causées par les facteurs inflammatoires circulants libérés par le placenta au cours de la PE (Figure 1).
Depuis plusieurs années, l'équipe du Dr Nadia Alfaidy travaille sur la caractérisation de la valeur pronostique et thérapeutique des membres de la famille des prokinéticines (PROKs et leurs récepteurs PROKRs) dans les pathologies liées à la grossesse. Ces facteurs sont impliqués dans plusieurs fonctions physiologiques, notamment les processus angiogéniques et inflammatoires, la reproduction, le cycle circadien et la neurogenèse. Récemment, les PROKs ont également été rapportés comme facteurs directement impliqués dans des maladies neurodégénératives telles que les maladies d'Alzheimer et de Parkinson, et dans l'inflammation consécutive à des lésions cérébrales causées par un accident vasculaire cérébral. Précédemment, les travaux de l'équipe, impliquants des femmes prééclamptiques et des modèles animaux de PE, ont montré que la grossesse pré-éclamptique hypertensive est directement médiée par la surexpression des facteurs PROK.
Nos travaux récents sur le modèle de souris PE ont permis d'établir un lien direct entre les événements de la PE et les altérations cérébrales ultérieures. De plus, nous avons démontré l'implication directe des PROKs dans la pathologie de la PE puisque le traitement des souris pendant la grossesse avec un antagoniste des PROKRs atténue significativement l'hypertension des souris gestantes, les lésions cérébrales et l'inflammation associées. Par ailleurs, en utilisant une configuration de barrière hémato-encéphalique (BHE) murine, nous avons démontré que les PROKs peuvent spécifiquement altérer la perméabilité vasculaire (Figure 2 ; PMID : 37895111).
L'ensemble de ces résultats originaux démontre le lien direct entre les événements prééclamptiques survenant au cours de la grossesse et l’apparition d'altérations cérébrales tardives chez la femme. Aussi, ces résultats démontrent l'implication, à court et long terme, des prokinéticines dans l'étiologie des conséquences de la PE.
Ainsi, mon groupe de recherche vise à identifier un traitement préventif qui permettrait d'atténuer les symptômes associés à la PE pendant la grossesse, voire de prévenir l'apparition des séquelles cérébrales, à long terme.
La mise en œuvre de mon projet de recherche implique trois approches : Approches cellulaires. L'intégrité vasculaire et les changements cellulaires liés à la PE sont étudiés à l'aide d'un modèle de la barrière hématoencéphalique. L'effet des facteurs inflammatoires circulants, obtenus à partir de souris modèles ou de sérums de femmes, sur l'intégrité de la barrière endothéliale est testé en étudiant l'expression des protéines des jonctions serrées et la fonctionnalité de la BHE (étude de la perméabilité et de l'activité des transporteurs).
Des approches
in vivo et
ex vivo sont menées pour caractériser les changements vasculaires et inflammatoires en utilisant le cerveau de souris PE, à la fois au moment de l'événement PE pendant la gestation et plus tard après la mise bas. Ceci est réalisé avec des souris gravides traitées ou non avec les antagonistes des récepteurs de la prokinéticine, le PC1 (un antagoniste non peptidique préférentiel de PROKR1) ou le PKR-A (un antagoniste non peptidique préférentiel de PROKR2). L'état inflammatoire du cerveau est évalué en déchiffrant les niveaux de facteurs inflammatoires et redox dans les tissus et complété par des études immunohistochimiques pour déterminer l'œdème réactif, les changements vasculaires et la gliose réactive.
Études
in vivo (collaboration avec l'Institut des neurosciences de Grenoble). L'analyse de l'imagerie cérébrale (IRM) des souris PE est réalisée pour évaluer l'interaction entre l'hypertension gestationnelle et l'apparition d'événements ischémiques. Les troubles cognitifs sont également évalués à l'aide de tests comportementaux spécifiques.
Ce projet participe à l'élucidation des mécanismes sous-jacents qui affectent la vascularisation cérébrale dans le contexte des grossesses prééclamptiques et le risque pour les patientes de développer une démence voire une pathologie neurodégénérative. Sur un aspect translationnel, nos travaux visent à caractériser la valeur thérapeutique des antagonistes PROKR pour le traitement de la PE et ses conséquences sur la mère et le fœtus bien au-delà.