Nous savons depuis plus de 70 ans que les gènes codés par l’ADN sont transcrits en ARN messagers puis traduits en protéines. Mais le mode de fonctionnement de nos cellules s’est avéré bien plus complexe. Participant à cette complexité et découverts chez de nombreux organismes eucaryotes au début des années 2000, les microARN sont des ARN qui ne codent pas pour une protéine. Ces microARN, longs d’une vingtaine d’acides nucléiques, répriment et sont de ce fait des régulateurs majeurs de l’expression des gènes. Leur rôle a été démontré dans de nombreux mécanismes physiologiques et pathologiques. Dans certains cancers, par exemple, des microARN participent à l’initiation et à la progression tumorales ainsi qu’à la formation des métastases. Chez l’homme, 2500 microARN sont répertoriés. Les mesures expérimentales de leur niveau d’expression ainsi que de leur rôle fonctionnel génèrent de grandes quantités de données qui sont difficiles à analyser en l’absence d’outils bioinformatiques dédiés.
Dans une précédente étude, nous avions construit des
Réseaux de microARN. L’objectif était de réutiliser les théories mathématiques développées avec l’essor des réseaux sociaux afin d’appréhender la complexité des liens entre l’ensemble des microARN humains. Dans ces réseaux de microARN, chaque nœud (représenté par un cercle) correspond à un microARN ; deux nœuds sont reliés si les microARN correspondants présentent des similarités. L’objectif de
miRViz est de fournir un site web en accès libre à tous les biologistes afin de leur permettre d’utiliser la puissance des réseaux pour analyser visuellement leurs données de microARN. Cette nouvelle étude présente plusieurs exemples concrets d’utilisation impliquant des cellules cancéreuses, des cellules souches ou des données issues de patients atteints de cancers.
Grâce à ce site web, nous avons repris les données publiques de patients atteints du carcinome cortico-surrénalien pour les analyser sous un nouvel angle. Nous avons ainsi pu retrouver visuellement les résultats initialement publiés, et ceci sans avoir besoin d'une expertise en programmation. Nous avons également pu mettre en évidence, pour la première fois, que l’expression de miR-29, un microARN exprimé dans ces tumeurs, est un facteur pronostic favorable à la survie. Parmi les propriétés de
miRViz, il y a sa capacité à visualiser la redondance des microARN (
Figure), c’est-à-dire de savoir si les microARN qui ont le même rôle physiologique ou pathologique sont co-exprimés.
À ce jour,
miRViz est le seul site Internet à proposer une analyse des données de microARN avec des réseaux pré-établis, et ce pour onze espèces différentes (Homme, souris, drosophile, etc.).
Image extraite de l’analyse des microARN des
exosomes de cellules cancéreuses avec miRViz.
Chaque nœud (représenté par un cercle) correspond à un microARN. Dans ce réseau, on identifie du premier coup d’œil les familles de microARN, et l’on remarque que l’expression des microARN ne se répartit pas de façon aléatoire. La famille miR-320 par exemple est préférentiellement exportée dans les exosomes des cellules de cancer du côlon, export préférentiel représenté par la couleur rouge.
Réseau de microARN : représentation mathématique et graphique où chaque microARN est représenté par un cercle. Deux cercles sont reliés si les microARN correspondants sont voisins sur l’ADN ou réprimer des gènes similaires, en fonction de la matrice choisie.
Exosomes : nano-vésicules exportées par les cellules pour agir comme messagers de la communication entre cellules, et permettant également d’expulser hors de la cellule, des composants cellulaires.